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La seule bonne chose qui avait découlé des menaces proférées par Tsavong Lah était que le Général Muun avait décidé que le moment était mal choisi pour se montrer indifférent au sort des réfugiés. Il avait jugé en revanche l’instant fort opportun pour donner un coup de pouce à sa carrière en « sauvant » un convoi de rescapés. Non seulement il avait envoyé une dizaine de vaisseaux pour escorter les Vray en lieu sûr, mais il avait, de plus, insisté pour diriger lui-même l’opération, offrant ainsi la possibilité à Han et à Leia de retourner directement sur Eclipse.
L’un des nombreux mauvais aspects découlant de la menace fut que, dès leur arrivée, Luke les attendait pour leur confier une nouvelle mission et leur demander s’il pouvait leur emprunter C-3PO. Les époux Solo eurent à peine le temps de saluer Anakin et les jumeaux avant de reprendre l’espace en direction de Nova Station, située dans ce qui avait été jadis le système de Carida.
Parcouru par les déjections gazeuses en plein refroidissement, nées de l’explosion qui avait transformé son soleil en supernova, l’espace entourant la station était d’une teinte écarlate. Leia n’avait jamais vu rien vu de semblable. Des volutes de nuées cramoisies enveloppaient régulièrement la station orbitale, masquant les étoiles distantes et rappelant l’image du sang, instantanément porté à ébullition, des milliards de Caridans qui avaient péri dans la catastrophe. Assise en compagnie de Han dans cette gargote qu’on avait ironiquement appelée Big Boum, sirotant du tord-boyaux et essayant d’ignorer l’orchestre Bith de Bobolo Baker, Leia sentit monter un haut-le-cœur. La catastrophe en question avait été provoquée, motivée par l’insatiable soif de vengeance et de destruction éprouvée par l’espèce humaine.
Un carillon électronique résonna trois fois, noyant temporairement les mélodies frivoles de Bobolo, puis une voix d’homme annonça quelque chose de confus dans le haut-parleur. En même temps que tous les autres clients du boui-boui, Leia et Han tournèrent la tête vers le projecteur holographique suspendu au-dessus de l’orchestre Bith. Le nom Astéroïde Danseur apparut, accompagné d’une ligne technique le décrivant comme un cargo YT-1500. Quelques instants plus tard, le mot Confirmé s’inscrivit sur le tableau d’affichage et un hologramme reproduisant la configuration très distincte du cockpit de l’appareil se matérialisa.
Han gronda de frustration et tendit la main vers le pichet de tord-boyaux qui se trouvait devant lui.
– Ils devraient déjà être là, à l’heure qu’il est. (Il se servit à boire, avala une gorgée, retint une grimace et reposa le verre sur la table.) Booster ne viendra plus.
– Il doit venir, dit Leia, heureuse de deviner dans le regard de son mari un semblant de dégoût pour le contenu de son verre. (Pendant une longue période suivant le décès de Chewbacca, Han s’était laissé aller à boire tout et n’importe quoi. Plus c’était fort et imbuvable, meilleur c’était. Le fait que ses papilles gustatives se remettent à fonctionner normalement était un signe supplémentaire de sa volonté de guérir.) Même l’Aventurier Errant a besoin de refaire le plein. Est-ce qu’on les aurait ratés ?
Han lui adressa un de ses légendaires regards qui en disaient long sur la stupidité d’une pareille question et fit un signe en direction du projecteur holographique.
– Veux-tu m’expliquer comment on peut rater un Destroyer Stellaire ?
– Non, tu as raison, acquiesça Leia. Pas ici, en tout cas. Construite pour remplacer Carida comme étape sur la route commerciale de Perlemia, Nova Station flottait à l’intérieur de l’enveloppe gazeuse en expansion de la supernova, croisant à la limite de la nuée à la vitesse constante de trois kilomètres par seconde. Ainsi, tout vaisseau spatial devant accoster était obligé de quitter l’hyperespace pour pénétrer le nuage en vitesse subluminique et utiliser ses capteurs afin de calculer les coordonnées finales d’arrimage. Ceci donnait alors aux officiers de sécurité de la station – et à tous ses occupants – la possibilité d’identifier le vaisseau bien longtemps avant son arrivée. L’endroit était donc devenu le repaire idéal de tous les contrebandiers, criminels et autres individus désireux de se ménager une porte de sortie. Han regarda son épouse de l’autre côté de la table.
– Qu’en penses-tu, la Rouquine ? (Il faisait référence à la couleur fluo des cheveux de Leia, qui lui tombaient à présent dans le cou. Ils avaient bien repoussé depuis que la Princesse s’était complètement rasée à la suite de l’alerte à la contamination survenue sur Duro l’année précédente. Même vêtue d’une veste de pilote spatial hors d’âge et d’une combinaison de vol un peu trop étroite, elle avait toujours grande allure. La teinture temporaire de ses cheveux faisait également partie de son déguisement de contrebandier.) Tu crois qu’on devrait partir ?
Leia sourit et secoua la tête.
– Et si on mangeait plutôt quelque chose ?
Elle tendit la main pour utiliser la commande de service et remarqua qu’on était en train d’observer Han depuis la table voisine. L’individu était un Weequay à l’impressionnante carrure, avec un nez épaté et un visage ridé au moins aussi repoussant que celui d’un Yuuzhan Vong.
– Je crois bien que quelqu’un t’a reconnu.
– Moi ? (Han tourna la tête vers le hublot pour tenter de repérer l’observateur dans le reflet de la vitre.) C’est pourtant pas moi qui suis apparu le plus à la une du Net au cours des vingt dernières années…
Regrettant depuis fort longtemps l’anonymat qu’il avait perdu en devenant un héros de la Rébellion, Han avait adopté un déguisement sommaire en se laissant pousser une moustache tombant de part et d’autre de sa bouche, et des favoris qui lui barraient les joues. Avec, en plus, une barbe de deux jours, le camouflage avait correctement fonctionné jusqu’à présent. Probablement parce que les gens ne s’attendaient certainement pas à rencontrer l’époux d’un ancien chef d’Etat dans un établissement comme le Big Boum.
Apparemment, leur chance était en train de tourner. L’énorme Weequay prit son verre et se leva. Le pan de son cache-poussière s’écarta subrepticement, révélant la crosse d’une imposante vibrolame accrochée à sa ceinture. Sachant que ses gardes du corps Noghri pourraient vite s’énerver, Leia adressa un rapide coup d’œil à Meewahl. Svelte et musclée, ne mesurant guère plus d’un mètre cinquante de haut, Meewahl inspirait cependant le respect avec sa peau parcheminée et ses yeux farouches. Toute la clientèle du Big Boum s’écartait d’ailleurs de son chemin. Leia fit signe à la Noghri de rester sur ses gardes d’un double battement des cils, puis sembla ignorer l’étranger qui s’approchait de Han.
– Une petite minute, dit Han, plus à lui-même qu’à Leia. Je connais ce type.
L’air de rien, la Princesse glissa la main sous la table pour ouvrir l’étui du blaster accroché à sa hanche. Le fait que son époux connaisse l’individu ne signifiait pas pour autant qu’il faille exclure la possibilité d’une tentative d’assassinat. Le grand Weequay s’arrêta à leur table, évalua Leia du regard et se tourna vers Han.
– Je pensais bien que c’était toi, dit-il. J’aurais reconnu cette odeur entre mille.
– Ah bon ? (Han plissa les yeux en observant le Weequay, tentant visiblement de se souvenir de leur précédente rencontre.) On me le dit souvent.
– J’ai pas vu ton vaisseau apparaître sur le tableau d’affichage, Miek. (Le sourire du Weequay avait quelque chose de dédaigneux. Apparemment, observer Han en train de se livrer à un effort intense de mémoire l’amusait beaucoup.) Toujours sur le Soleil ?
– Tu peux dire ça comme ça, répondit Han en lui adressant un sourire de conspirateur. (Il avala une longue gorgée de son tord-boyaux, histoire de gagner un peu de temps. Le Coup de Soleil faisait partie de la douzaine de faux codes de transpondeurs régulièrement utilisés pour le Faucon Millennium. Ils avaient accosté à Nova Station sous le nom de Long Cours et Han lui-même possédait plus de fausses identités qu’il n’était capable d’en mémoriser. Solo reposa son verre sur la table et s’empara du pichet pour se resservir.) Seulement, aujourd’hui, il faudrait que tu essaies un autre nom…
Le Weequay éclata de rire.
– Je m’en doutais. Ton capitaine est un sacré malin. (Il tira une chaise à lui et s’assit en jetant des coups d’œil alentour.) Pourtant, je ne vois aucun Ryn dans les environs.
Cette dureté que seule son épouse était capable de remarquer pointa dans le regard de Han. Leia comprit qu’il avait enfin reconnu son interlocuteur.
– Droma n’est plus de la partie, dit Han. (Droma et Solo avaient combattu côte à côte pendant un certain temps après la capture d’Ord Mantell. Ils avaient passé près de six mois à rechercher les membres du clan du Ryn portés disparus afin de les rassembler dans un camp de réfugiés sur Duro. Droma et les siens s’étaient depuis volatilisés dans l’espace, mais la fréquentation assidue du Ryn avait permis à Han de se concentrer sur quelque chose au moment où Leia avait été dans l’incapacité de s’occuper de son mari. Pour cela, les Ryn occuperaient à jamais une place de choix dans son cœur.) Lui et moi, on a décidé de partir chacun de notre côté il y a près d’un an de cela.
– Vraiment ? (Le Weequay se tourna à nouveau vers Leia, pour l’évaluer – voire la reluquer – des pieds à la tête.) Et c’est elle, ton nouveau patron ?
– Non, le patron, c’est moi, répondit Han, l’air offusqué. Elle, c’est mon second.
– Tu peux dire ça comme ça, ajouta Leia en observant son mari de l’autre côté de la table. Quand tu es dans tes bons jours.
Le Weequay éclata d’un rire sincère, puis stupéfia Leia en glissant la main sous la table pour lui peloter le genou.
– Eh bien, la prochaine fois qu’il sera dans un de ses mauvais jours, faudra venir me voir à bord de la Pochette Surprise. J’en suis le commandant en second et je pourrais te faire obtenir n’importe quel poste.
– Ça suffit, Plaan. Elle ne cherche pas de boulot. (La voix de Han était redevenue sérieuse.) Qu’est-ce que tu fais si loin de Tholatin ? Je croyais que tu étais devenu chef de la sécurité.
L’once d’humour que Leia avait jusqu’à présent perçue dans la conversation s’évanouit instantanément.
– Changement de job. Comme je t’ai dit, je suis second sur la Pochette Surprise maintenant. (Il ôta sa main de la cuisse de Leia.) En fait, si je suis ici, c’est qu’on est un peu à court de personnel pour une mission. La paie est bonne.
Han resta silencieux un long moment. Leia voulut refuser, mais Solo leva une main pour l’en empêcher.
– Bonne comment ?
– Capitaine ? l’interrompit Leia. (Que ce soit en raison de sa sensibilité à la Force, ou bien parce qu’ils étaient ensemble depuis tant d’années, le rôle que Han souhaitait voir Leia tenir s’imposa à elle presque instinctivement.) Et cette cargaison qu’on doit nous livrer ?
Han ne la regarda même pas.
– Elle est en retard, cette cargaison…
– Oui, mais on nous a déjà payés pour ce boulot. (Leia jouait effectivement son rôle, mais elle avait été également véritablement irritée par la réponse de son époux.) Et je te rappelle que notre contact n’est pas des plus coulants avec ceux qui ne respectent pas leurs contrats. Cela me gênerait vraiment qu’on te congèle dans un bloc de carbonite, ou autre chose de ce genre…
Han frissonna, puis avala une autre rasade de son tord-boyaux.
– Il y a une clause au contrat, annonça-t-il. Si la cargaison a plus d’un jour de retard, on peut revenir la chercher plus tard. Ecoutons plutôt ce qu’il a à nous dire, tu veux ?
– Je ne peux pas te dire grand-chose tant que je n’ai pas la certitude que tu es dans le coup, dit Plaan.
– On n’a pas besoin d’en savoir beaucoup, dit Han. Si ce n’est d’avoir la certitude qu’il ne s’agit pas encore une fois de devoir berner des réfugiés. La dernière chose que je souhaite, c’est bien d’avoir aux trousses la flotte de la Nouvelle République.
– C’est fini, tout ça, dit Plaan en secouant la tête. Ce coup-ci, on les emmène où ils veulent aller. Un coup fumant pour eux comme pour nous. Tu n’en reviendras pas.
Leia se laissa aller contre le dossier de son siège et croisa les bras en travers de sa poitrine, faisant de son mieux pour avoir l’air furieuse. Ce qui, vu la situation, n’était guère difficile.
– Ça prendra combien de temps ? demanda Han.
– Un petit saut pour récupérer le reste de la marchandise, expliqua Plaan. Après, c’est une mission de deux jours, pas plus.
Han regarda de l’autre côté de la table.
– T’en penses quoi, la Rouquine ?
Réalisant que son époux était toujours en train de sonder son interlocuteur pour obtenir plus d’informations, Leia embraya :
– Et qu’est-ce qu’on fait du Long Cours, Miek ? On fait du stop pour rentrer ?
– On vous déposera, dit Plaan. De toute façon, on repassera par ici après la livraison…
– Combien ? demanda Han.
– Cinq mille, répondit Plaan.
– Chacun ? avança Leia.
– Non, pour tous les deux, dit Plaan en fronçant les sourcils. Et ça doit en plus couvrir vos frais de mise en cale du Long Cours.
Han regarda Leia.
– Eh bien ?
Leia leva les yeux au ciel, puis tendit la main vers son tord-boyaux.
– On va réfléchir, conclut Han.
Plaan voulut leur proposer une meilleure offre. Il posa les yeux sur Leia et se ravisa.
– Ne réfléchissez pas trop longtemps. On décolle dans une heure.
Il prit son verre et se leva. Il joua des coudes dans la foule et rejoignit une paire d’individus qui lui semblaient faire l’affaire. Leia le regarda s’asseoir et entamer son petit discours. Puis elle releva la tête, comme tout le monde, lorsque le carillon électronique retentit. Cette fois-ci, le nom Coureur de Lumière apparut au-dessus de la tête des Bith.
– Alors, où va-t-il, à ton avis ? demanda Leia.
– Avec ce programme, trois possibilités, répondit Han. Kuat, Borleias ou Coruscant.
– Coruscant, présuma Leia. Kuat et Borleias refusent l’accès aux convois de réfugiés. Si, comme il dit, il espère bien atteindre son but, il est obligé d’aller à Coruscant.
Plaan venait de recruter ses deux membres d’équipage manquants. Il se leva, fit signe à Han et à Leia, puis traversa la foule vers la sortie, suivi de deux Ossan aux oreilles tombantes. Han leva son verre à l’intention du grand Weequay, avala une grande rasade, attendit que Plaan soit sorti et appuya sur le bouton de service.
– Et où comptes-tu aller ? demanda Leia, mettant l’emphase sur le tu.
– Aux toilettes, j’ai horreur du tord-boyaux, répondit Han. Et, ensuite, nous partons pour Coruscant.
Leia resta assise.
– Mais je ne peux pas. Tu sais combien mon frère se fait du souci à propos de ses étudiants.
Les jeunes apprentis de l’Académie Jedi montée par Luke se trouvaient à l’heure actuelle à bord de l'Aventurier Errant en compagnie de Booster Terrik. Depuis quelque temps, le vaisseau devait traverser la galaxie de part en part, effectuant des sauts aléatoires dans l’hyperespace afin d’empêcher les Yuuzhan Vong de le suivre à la trace. Malheureusement, dans les deux jours qui avaient suivi le réveil d’Alema Rar sur Eclipse et la description qu’elle avait faite de la mort de sa sœur, deux autres Jedi avaient succombé sous les coups des voxyns. L’un d’entre eux était mort sur Kuat, un monde que l’on croyait exempt de tout danger. Inquiet à l’idée que l’Aventurier puisse rencontrer l’un de ces tueurs de Jedi au cours d’une étape de ravitaillement, Luke avait demandé à Han et à Leia de transmettre à Booster les nouvelles coordonnées de la base Jedi sur Eclipse et de lui conseiller d’aller dorénavant s’y ravitailler exclusivement.
Booster étant Booster, il avait déjà trois jours de retard sur le planning prévu et Leia savait qu’ils risquaient de l’attendre indéfiniment.
– Attendons une journée de plus, suggéra-t-elle. Le Long Cours est très rapide. Si Booster ne se montre pas, nous pourrons toujours rejoindre Coruscant bien avant Plaan.
– Bon, de toute façon, je ne partirai pas d’ici sans toi, soupira Han. Mais l’Escadron Rogue est en patrouille autour de Coruscant en ce moment et Wedge me doit une faveur. Laisse-moi au moins lui parler et m’assurer que la Pochette Surprise reçoit l’accueil chaleureux qu’elle mérite.
– Wedge Antilles te doit une faveur ?
– Tout le monde me doit une faveur, répondit Han.
Booster ne se montra pas, comme prévu. Wedge – le Général Antilles – se fit tirer l’oreille pour ordonner l’abordage d’un vaisseau spatial correctement immatriculé sans le moindre « élément suspect avéré » ; dans ce cas précis, la présence des plaignants. Sachant que ceci ne ferait que renforcer le sentiment anti-Jedi qui régnait au Haut Conseil, Leia avait accepté à contrecœur les conditions dictées par Han et informé Luke qu’il leur était impossible d’attendre l'Aventurier Errant plus longtemps. Ils quittèrent Nova Station et plongèrent dans l’hyperespace sur la route commerciale de Perlemia. Han se dit qu’ils seraient assez rapides pour rattraper la Pochette Surprise avant Coruscant.
Il se trompait. Ils quittèrent la vitesse-lumière au moment même où l’Escadron Rogue s’apprêtait à appréhender la Pochette Surprise. Wedge demanda à Han de le retrouver au bureau du Contrôle Orbital afin de lui faire son rapport. Han n’étonna personne en annonçant qu’il ne manquerait pas de le faire, mais seulement après avoir constaté de lui-même ce qu’il advenait de la Pochette Surprise.
L’aura habituelle des feux de position et des traînées de réacteur qui scintillait autour de Coruscant était à présent concentrée sur des zones réduites de halos lumineux. Pour se défendre d’une éventuelle attaque éclair des Yuuzhan Vong, l’armée avait entouré la planète d’un bouclier de mines orbitales. Seuls quelques douzaines de portails d’accès avaient été ménagés et le trafic progressait à un rythme excessivement ralenti.
Han fit passer le Faucon au-dessus d’un couloir de circulation et plongea dans le flux des appareils, à quelques centaines de mètres de la poupe massive de la Pochette Surprise. Son irruption soudaine déclencha un signal d’alerte assourdissant, émis par le transporteur de plus de mille mètres de long à qui il venait de couper la route. Solo se pencha vers sa console de communication pour lui retourner l’affront et Leia fit un bond hors du siège du copilote, initialement prévu pour un Wookiee, afin de l’en empêcher.
– Du calme, l’acrobate. Ce n’est pas le moment de déclencher un concert d’avertisseurs.
Han retira sa main de la console et Leia ouvrit une fréquence privée vers le transporteur.
– Transport ? Désolé de vous couper la route. Il va y avoir une intervention militaire dans ce couloir. Je vous suggère de virer de bord.
– Une intervention ? répondit la voix glacée d’un Durosien. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
L’énorme vaisseau de transport commença à s’écarter doucement du flux de circulation, déclenchant alors une telle cacophonie de signaux d’alerte que Leia dut couper momentanément le son de la console.
– Franchement, qui a besoin de l’armée ? demanda Han. Laissons les Yuuzhan Vong approcher et voyons s’ils sont capables de tenir le coup dans tout ce bazar.
Le tonnerre d’avertisseurs s’amplifia lorsque les silhouettes de quatre petites Ailes-X firent irruption. Les chasseurs virèrent sur l’aile et vinrent se poster juste derrière la Pochette Surprise. Leia parcourut la bande de fréquences de la console de communication jusqu’à ce qu’elle entende la voix familière de Gavin Darklighter :
–… et préparez-vous à l’abordage pour inspection, Pochette Surprise.
– Pour quelle raison ? répondit la voix de Plaan. Nous n’avons enfreint aucune loi commerciale. Nous n’avons même pas encore passé les contrôles de la douane.
– Sachez qu’il s’agit d’une inspection militaire de routine ordonnée par la Nouvelle République. Inutile de vous inquiéter, ajouta Gavin d’une voix plus rassurante, ces contrôles se font de façon aléatoire.
– Aléatoire ? (La voix de Plaan sembla fort dubitative.) Je dois en référer à mon capitaine.
– Rappelez-lui que nous pouvons passer outre les régulations douanières, dit Gavin. Et que nous sommes armés.
La discussion entre Plaan et son supérieur dut être particulièrement animée, car la Pochette Surprise continua de progresser jusqu’à ce que le couloir d’accès ne mesure plus qu’à peine trois cents mètres de large. La présence des mines spatiales devint plus tangible. L’inhabituelle noirceur de l’espace périphérique, dans lequel elles avaient été disséminées, paraissait plus menaçante encore que la silhouette des armes orbitales que Leia pouvait entrevoir, de temps en temps, se dessiner contre le scintillement de la surface de la planète. Gavin prévint de nouveau le vaisseau que son détachement de chasseurs était armé et autorisé à tirer. Plaan répondit alors que la Pochette Surprise transportait un millier d’innocents réfugiés.
– Ils ne vont pas s’arrêter, dit Leia.
Supervisant l’échange depuis le réseau orbital de plates-formes armées, les soldats des Forces de Défense Planétaire durent en arriver à la même conclusion. Par le biais de la console du Faucon allouée aux communications militaires, Leia entendit une succession d’officiers de plus en plus élevés dans la hiérarchie exiger, d’abord de Gavin Darklighter puis de Wedge Antilles, qu’on leur établisse un rapport. Enfin, la voix mal réveillée du Général Rieekan – rappelé depuis peu de sa retraite pour prendre le commandement des FDP – contacta directement Han afin de lui demander des explications.
Han lui dressa le portrait de Plaan, exposa le passé chargé du Weequay, habitué à monnayer la vie des réfugiés, et lui raconta ce qu’il avait entendu sur Nova Station.
– Donc, si je comprends bien, vous me dites que ces individus ne vous disent rien qui vaille, c’est ça ?
– Oui, c’est à peu près ça, Général, répondit Han en faisant la grimace.
Il y eut un craquement sonore, indiquant que le général était passé sur une autre fréquence. Sa voix retentit alors sur le canal non codé qu’utilisait l’Escadron Rogue pour communiquer avec la Pochette Surprise.
– Colonel Darklighter, vous savez qui vous parle ?
– Oui, Monsieur. A vos ordres, Général Rieekan.
– Bien. En tant que commandant en chef des Forces de Défense Planétaire de Coruscant, je vous ordonne d’empêcher la Pochette Surprise de franchir la barrière de mines. Est-ce que vous me comprenez ?
Leia tourna la tête vers Han. A moins de trois kilomètres en aval du Faucon, le trafic était déjà en train de passer le portail. Le temps que Gavin réponde au général, la Pochette Surprise et l’Escadron Rogue serait certainement sur le point d’atteindre les mines.
– Heu, Général ? Nous sommes déjà engagés dans le couloir sécurisé…
– Vous avez vos ordres, Colonel Darklighter. Rieekan, terminé.
Ces quelques mots suffirent. Excepté le Faucon et les Ailes-X, tous les appareils qui se trouvaient dans un rayon de dix kilomètres autour de la Pochette Surprise changèrent de cap et s’écartèrent.
– Pochette Surprise, obtempérez ! insista Gavin. Mettez en rade et préparez-vous à l’accostage !
La réponse cohérente à cela aurait été de déclencher les rétrofusées de la proue pour amorcer un freinage. Au lieu de cela, la Pochette Surprise se cabra prestement.
– Nous ne voulons pas d’ennuis, annonça Plaan.
– Négatif, Pochette Surprise. (La voix appartenait au Colonel Tycho Celchu, le supérieur direct de Gavin Darklighter, lui-même pilote vétéran de l’Escadron Rogue.) Vous ne pouvez pas faire demi-tour ici. Votre tonnage est trop important pour le couloir sécurisé.
– Ça, c’est notre problème, répondit la voix de Plaan.
Au moment où il disait cela, les trois cents mètres de carlingue de la Pochette Surprise montèrent en chandelle juste devant le Faucon et entreprirent d’exécuter un retournement sur le dos.
– Colonel ? appela Gavin. Quels sont vos ordres ?
– Boucliers ! répondit Tycho.
– Bonne idée, murmura Han en tendant la main vers les contrôles des déflecteurs.
La main de Leia était déjà en train de faire coulisser les boutons des rhéostats.
– Pleine puissance ?
– Vous, les Jedi, alors, toujours en train de lire dans les pensées…
Leia poussa les commandes au maximum, puis se pencha sur l’intercom relié à la soute et aux quartiers d’équipage.
– Accrochez-vous, derrière ! Ça va secouer.
Les Noghri, bien entendu, ne répondirent rien.
Deux mines défensives décochèrent des missiles. Le laser inférieur de la Pochette Surprise riposta immédiatement et les deux mines explosèrent avant que leurs projectiles n’aient parcouru cent mètres.
– Têtes de larves ! jura Han, s’arc-boutant sur ses commandes pour amener le Faucon à piquer du nez.
Sur la fréquence militaire, Gavin s’égosillait avec frénésie :
– Contrôle balistique, désactivez les…
Les dix mines qui se trouvaient à proximité ouvrirent le feu. Leurs missiles fusèrent vers la Pochette Surprise dans un déploiement oblong de traînées orangées. Le laser ventral du cargo entra à nouveau en action, détruisant trois mines de plus. Dix mines supplémentaires se déclenchèrent.
– La leçon devrait leur suffire, là, non ? dit Leia, tentant d’ajuster son harnais de sécurité. (Bien entendu, il était prévu pour retenir le corps massif d’un Wookiee. La Princesse voulut mentionner le fait qu’il serait peut-être temps de le changer, mais se retint. Elle se contenta donc de s’accrocher du mieux qu’elle put.) On aurait vraiment dû leur faire notre rapport d’abord !
La première vague de mines explosa dans une tornade de lumière aveuglante contre les boucliers déflecteurs de la Pochette Surprise. Il en fut de même pour la seconde volée. Trois missiles parvinrent en revanche à s’infiltrer sous les boucliers. Leurs têtes vibrantes pénétrèrent la coque de duracier du vaisseau. L’un d’eux explosa sur le pont et fit voler en éclats les hublots de transparacier, projetant des morceaux aussi gros que des Ailes-X en travers du couloir sécurisé. Une deuxième tête chercheuse désintégra les unités de propulsion ionique. Le cargo tournoya sur lui-même et retomba derrière le Faucon. Leia ne parvint pas à discerner l’emplacement de la troisième détonation. Son regard fut soudainement attiré par des halos orangés grossissant dangereusement par-delà la verrière du cockpit du Faucon.
– Han ?
– Je sais… dit-il. (La Pochette Surprise hors de la zone de combat, le Faucon Millennium s’était malgré lui transformé en cible de choix pour les missiles défensifs.) Accroche-toi. Je crois qu’elles vont…
Les halos disparurent et une demi-douzaine d’objets sombres vinrent rebondir, sans causer le moindre dommage, contre les boucliers du Faucon.
–… se désactiver, dit Han, terminant sa phrase.
Il fît pivoter son vaisseau et exécuta un virage très serré pour suivre la Pochette Surprise. Leia se sentit écrasée contre le dossier de son fauteuil trop grand, puis poussa un grognement de douleur en décollant du siège et en heurtant les boucles trop lâches de son harnais de sécurité.
Han releva la tête vers le hublot.
– Ça risque de chauffer. Enclenche le compensateur d’inertie et boucle ta ceinture.
– Je ne peux pas la serrer plus ! dit Leia. Je vais juste essayer de m’accrocher !
Impossible de savoir si Han avait entendu sa réponse. Il était bien trop occupé à piloter son appareil. Ils plongèrent à travers le flux du trafic.
Les Ailes-X des Rogue fusèrent en spirale sur la trace de la Pochette Surprise. Une multitude d’engins spatiaux, pris de panique, se mirent à bondir et à virer dans toutes les directions. Leurs boucliers crissèrent les uns contre les autres. Des traînées ioniques bleutées se croisèrent en un improbable ballet lumineux. Han vira de justesse sous le nez d’un yacht stellaire. Le Faucon rebondit contre les déflecteurs du vaisseau, se glissa entre deux transporteurs de Gallofree et émergea sous la colonne de trafic.
Les pilotes qui manœuvraient en aval de l’Escadron Rogue répondirent immédiatement aux messages d’alerte et dévièrent de leurs trajectoires afin de laisser le passage libre à la Pochette Surprise. Leia projeta les ondes de la Force pour tenter de deviner si les passagers du cargo en perdition étaient toujours vivants. Elle perçut une vague de terreur qui lui confirma que Plaan n’avait pas menti concernant la quantité de réfugiés. Et également une bourrasque sauvage, une étrange agitation, comme une sensation de faim insatiable. Elle n’avait jamais ressenti cela auparavant.
– Han ?
– Une minute…
En contrebas, un trio d’Ailes-X essayait de s’aligner sur le centre de gravité de la Pochette Surprise. Leia regarda les flancs du cargo et découvrit l’endroit où avait explosé la troisième mine. Des volutes de vapeur, un nuage de débris et des flots de conteneurs de marchandises s’échappaient du trou béant. Les trois chasseurs stellaires parvinrent enfin à ajuster leur vitesse à celle du vaisseau. Ils décochèrent des volées de rayons laser pour agrandir la brèche dans la coque afin de pouvoir accoster.
La manœuvre était désespérée, mais fort efficace. Ils suivaient le protocole militaire standard prévu pour l’abordage des engins spatiaux ayant échappé à tout contrôle. Une fois à l’intérieur de la soute, l’un des trois chasseurs enclencherait ses boucliers pour sceller la brèche. Les deux autres pilotes, vêtus de combinaisons pressurisées, quitteraient leurs appareils pour tenter de gagner le pont et sauver la situation.
La sensation sauvage perçue par Leia s’estompa soudainement. La Princesse se rappela un détail similaire rapporté par Jaina et Mara à la suite de l’attaque sur le Chasseur de Nébuleuses. Leia ouvrit un canal codé de communication avec l’Escadron Rogue.
– Colonel Celchu, Colonel Darklighter, ici Leia Solo. Il se peut que vos hommes trouvent autre chose que des réfugiés et des contrebandiers à bord. Je pense qu’il y a aussi un voxyn.
Han lui adressa un regard éberlué, mais elle l’ignora et attendit.
– Bien compris, répondit Gavin. Heu… Un voxyn, dites-vous ?
– Un monstre Yuuzhan Vong, expliqua Leia. Un tueur de Jedi. Tenez-vous à l’écart de tout ce qui ressemblerait à une sorte de reptile à huit pattes. Très à l’écart. Ces choses crachent de l’acide et émettent des cris paralysants. Qui sait ce qu’elles peuvent encore faire d’autre…
– Je tâcherai de m’en souvenir. Darklighter, terminé.
Leia se tourna vers Han.
– Il y va en personne ?
– Il a même accosté en premier, lui confirma Han.
Les époux Solo passèrent alors quinze éprouvantes minutes à suivre l’orbite instable de la Pochette Surprise autour de Coruscant. Gavin était non seulement le supérieur hiérarchique de Jaina au sein de l’Escadron Rogue, mais c’était également un ami de Han et de Leia. C’était le cousin de Biggs Darklighter, qui avait perdu la vie en aidant Luke à détruire la première Etoile Noire lors de la Bataille de Yavin. Les Solo craignaient de le voir disparaître dans un accident, ou succomber aux assauts d’un voxyn, mais tenter de stabiliser la course du cargo au moyen des rayons tracteurs du Faucon ne ferait que mettre leurs propres vies en danger. Il n’y avait rien d’autre à faire, sinon rester assis à attendre que quelqu’un d’autre, là, à l’intérieur, se comporte en héros. Leia observa les poings serrés de son mari. A la blancheur de ses articulations, elle devina que cette incapacité à intervenir le rendait encore plus fou de rage qu’elle.
Ils attendirent, encore et encore. Le cargo croisa en tourbillonnant la dernière voie de circulation sécurisée et entama une orbite polaire erratique. Les FDP acceptèrent de désactiver les mines orbitales du secteur concerné. La Pochette Surprise traversa la barrière de défense. A ce rythme, cependant, sa trajectoire se détériorerait au bout de quarante-deux minutes. Avec tous les rayons tracteurs des stations du Contrôle Orbital affectés au déblayage des dégâts causés par la manœuvre désespérée du cargo, il n’y aurait guère d’autre option que de détruire la Pochette Surprise avant qu’elle n’aille s’écraser à la surface de Coruscant. Il faudrait rapidement faire appel à des engins civils pour évacuer les passagers, ou bien tous périraient avec le vaisseau.
Apparemment, Gavin était parvenu à gagner la salle des machines. Les fusées stabilisatrices de la Pochette Surprise s’allumèrent. Le Contrôle Orbital lança un message d’évacuation de détresse. Une réponse parvint immédiatement d’un volumineux croiseur, annonçant qu’il avait à son bord suffisamment de place pour accueillir un millier de passagers.
L’appareil, un transporteur aux lignes pures baptisé la Fidèle Compagne, apparut derrière le Faucon. Sa coque de cinq cents mètres vint se ranger juste au-dessus de l’écoutille d’évacuation supérieure du cargo. Han se glissa derrière la poupe de la Pochette Surprise, visiblement contrarié à l’idée de rester là sans pouvoir intervenir. Leia projeta à nouveau les ondes de la Force. Les passagers rejoignaient les ponts supérieurs du cargo. En masse, ils tentaient de gagner le centre de l’appareil. Elle ne perçut aucune trace de voxyn. Mais cela ne signifiait rien. Jaina et Mara avaient perdu la trace de l’assassin de Numa Rar peu de temps après la première perturbation affamée.
Au moment où la Fidèle Compagne amorça sa descente vers l’écoutille d’évacuation, la Pochette Surprise se trouvait au-dessus du pôle sud de Coruscant. L’ordinateur de navigation indiqua qu’il ne restait plus que trente-trois minutes avant la détérioration de l’orbite. Leia espéra que cela suffirait pour secourir mille personnes.
La voix de Gavin Darklighter retentit soudain dans le haut-parleur :
– Leia ? Comment avez-vous dit qu’on pouvait tuer ces choses ?
– Ces choses ? lança-t-elle.
– Il y en a quatre, confirma Gavin.
Han poussa un grognement.
– A peu près un mètre de haut et quatre de long, continua Gavin. Elles ne nous attaquent pas, mais elles se trouvent entre nous et la trappe d’accès.
Han bascula de fréquence vers la Fidèle Compagne.
– Compagne ? Mettez temporairement en rade et maintenez votre position. (Sans attendre de réponse, il releva le nez du Faucon, se glissa le long de la coque du plus gros appareil et enclencha la commande d’accélération.) Nous avons un petit problème à régler.
Leia n’entendit pas ce que le pilote du transporteur répondit. Elle-même était occupée sur une autre fréquence.
– Gavin, ne bougez pas. On va vous dégager le passage.
– Dégager le passage ? répondit-il. Mais comment ?
Leia se tourna vers son mari.
Han haussa les épaules. On va réfléchir à la question, sembla-t-il suggérer.
– Nous avons un plan, annonça Leia dans le micro tout en foudroyant son époux du regard.
Le Faucon se glissa au-dessus de la poupe endommagée de la Pochette Surprise et slaloma entre les poussées orangées des fusées de stabilisation et de freinage de la Fidèle Compagne. Un fracas retentit depuis la section supérieure du cargo Corellien et les écrans des capteurs à longue portée se couvrirent de parasites. Han ne releva même pas la tête. Il avait perdu son antenne parabolique tellement de fois qu’il en transportait à présent toujours une de rechange dans ses soutes. Le système de pattes de fixation interchangeables permettait d’installer une nouvelle parabole en l’espace de quelques minutes.
Leia dégrafa son harnais de sécurité, empoigna son sabre laser et se leva.
– Un moment ! dit Han, crispé sur ses commandes pour éviter au Faucon d’être transformé en sandwich de duracier. Où vas-tu comme ça ?
– La baie d’accostage…
– C’est trop dangereux ! (Han détourna les yeux du hublot pour le regarder.) Hors de question, tu restes ici !
– Si tu préfères… (Leia fut obligée d’admettre que ce zèle protecteur de la part de son mari n’était pas une si mauvaise chose, que cela faisait partie du processus naturel de guérison.) Je peux te laisser utiliser la Force pour attirer les voxyns pendant que moi je continue à érafler la peinture du Faucon…
Elle fit un geste en direction du hublot. Au-devant, l’espace qui s’ouvrait entre la Pochette Surprise et la Fidèle Compagne devait être à peine plus grand que le cargo Corellien lui-même.
Han serra les dents.
– Utilise plutôt la trappe d’urgence du haillon de chargement de la soute arrière, dit-il. Quand tu les auras attirés, reste de ce côté du sas.
– Comme tu veux, mon chéri ! cria Leia.
Elle s’était déjà engouffrée dans le corridor d’accès.
Au passage, elle demanda aux Noghri de la rejoindre à la poupe. Adarakh démonta les panneaux du plancher du haillon et, pendant que Meewahl préparait le tunnel escamotable d’évacuation d’urgence, Leia guida Han par l’intercom pour qu’il place le Faucon en position. L’espace était de plus en plus étroit. Han dut relever le nez de son appareil contre la coque de la Fidèle Compagne, pour laisser à Leia la possibilité d’assurer la jonction avec l’écoutille d’évacuation de la Pochette Surprise. Derrière le panneau, la Princesse sentit la présence des voxyns, quatre tueurs avides de se repaître de son sang de Jedi. Adarakh termina d’égaliser les pressions.
Un claquement résonna contre le panneau de métal du cargo en perdition. Inutile d’essayer d’attirer les voxyns à elle. Ils viendraient bien tout seuls.
Leia observa le panneau, puis activa la commande de son sabre laser.
– C’est parti !
Une vague d’excitation se propagea dans la Force. Une masse puissante vint heurter violemment l’écoutille de l’intérieur, à l’autre bout du tunnel d’évacuation. Adarakh et Meewahl dégainèrent leurs blasters.
– Allez… Venez ! ordonna Leia.
Elle s’approcha de la porte et appuya sur la commande d’ouverture. Elle entendit le sifflement caractéristique de l’air en train de s’engouffrer dans le sas et poussa un soupir de soulagement. Si les voxyns, de leur côté, avaient défoncé le panneau de l’écoutille, le système de sécurité aurait maintenu le scellement de l’installation d’évacuation. La Princesse fit signe à Adarakh et à Meewahl de la suivre près du sas. Puis elle commanda la fermeture de la porte de la soute derrière eux et attendit.
L’écoutille d’évacuation du cargo ne s’ouvrit pas.
– Leia ? appela Han par l’intercom. Qu’est-ce qui se passe ?
– Rien. L’écoutille n’est pas ouverte de leur côté.
– Attends, je peux essayer de forcer la télécommande.
Le panneau du sas glissa sur son axe, révélant un couloir grouillant de pattes noires écailleuses surmontées de grands yeux jaunes méfiants. Une créature tendit le cou pour regarder dans la soute du Faucon, puis recula pour rejoindre ses congénères dans le sas.
– Eh bien ? demanda Han.
– Ils doivent sentir que c’est un piège.
Han garda le silence pendant quelques instants, puis déclara :
– Ecoute, notre côté du tunnel d’évacuation est correctement pressurisé. Il est encore temps de se décrocher et de mettre les bouts.
Leia se dressa sur la pointe des pieds pour essayer de compter le nombre de voxyns dans le tunnel, mais son angle de vue ne lui permit pas d’en savoir plus.
– Non, on reste là. Il faut que je les attire dans la soute.
– Les attirer dans la soute ? (Impossible de ne pas noter le ton de désapprobation qui teintait la voix de Han.) Je descends te rejoindre.
– Ne bouge pas. (Leia appuya sur la commande du sas extérieur qui la séparait des monstres.) Il faut bien que quelqu’un s’occupe du pilotage.
Han hurla quelque chose dans l’intercom, mais Leia ne l’entendit pas. Les voxyns, dans un sinistre crissement d’écaillés et de griffes frottant le métal, surgirent du tunnel d’évacuation. Leia leva son sabre laser et se mit prestement en garde. Deux voxyns entrèrent, puis une troisième paire d’yeux jaunes surgit à la porte et regarda dans sa direction. La Princesse devina que le quatrième monstre devait se trouver juste derrière. Elle fit appel à la Force pour bondir en arrière dans la coursive intérieure qui menait à la soute.
Adarakh et Meewahl ouvrirent le feu et déversèrent un torrent de rayons laser dans l’ouverture. Le voxyn de tête, qui se trouvait à moins de trois mètres, explosa dans un nuage de vapeur acide. Son sang dégagea une puanteur pareille à de l’ammoniac brûlé. Leia sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle voulut crier pour rappeler les Noghri. Grave erreur. Ses poumons semblèrent soudain s’enflammer sous l’action de la nuée acide.
Le deuxième voxyn bondit en hurlant par-dessus le corps du premier. Un invisible coup de bélier frappa Leia de plein fouet et une douleur terrible lui vrilla les oreilles. Adarakh et Meewahl s’écroulèrent juste devant elle. Leia recula et s’appuya contre le mur de la soute. Elle projeta une onde de Force pour commander la fermeture de l’écoutille. Le voxyn ouvrit de nouveau la gueule et vomit une déjection brunâtre.
Le mucus vint éclabousser le panneau du sas qui était en train de se refermer, mais quelques gouttes passèrent par l’ouverture et atteignirent les Noghri inconscients. Leia estima la catastrophe évitée de justesse et se concentra à nouveau sur le verrou. Elle poussa un juron. Le système de sécurité, destiné à empêcher l’écrasement de quelqu’un par le panneau, refusa de sceller complètement l’écoutille. Une patte reptilienne émergea de sous la porte et se mit à tâter frénétiquement le sol. La Princesse abattit son sabre laser. La lame bourdonna au contact de cette chose, plus dure encore que le duracier.
Un cri s’éleva dans la soute, de l’autre côté du panneau, et le voxyn tenta de glisser sa gueule sous la porte. Leia appuya sur un autre bouton, celui commandant la fermeture d’urgence de la porte. Espérant que, pour une fois, l’un des trois cerveaux droïdes du vaisseau ne procéderait pas à une vérification préalable de la situation, elle appuya de nouveau sur le bouton. La porte hésita quelques instants, puis s’écrasa sur le museau du voxyn. Il y eut un autre cri, plus étouffé cette fois. Une odeur acre s’éleva, pire encore que la précédente. Une flaque de sang pourpre s’écoula autour de la gueule écailleuse de la créature. Leia eut la nausée. Sa tête lui tourna. Ses poumons brûlaient tellement qu’elle tomba à genoux.
Elle releva la tête. Les deux derniers voxyns se trouvaient à moins d’un mètre d’elle, l’observant par le hublot du sas de sécurité. Ils ouvrirent leurs gueules et un fracas, pareil à un orage de météorites, traversa la vitre de transparacier. Leia tituba et tomba à la renverse.
– Leia ? Qu’est-ce qui se passe en bas ? cria Han. Réponds-moi !
– Nous devons…
Le reste de sa phrase fut englouti dans une terrible quinte de toux.
– Leia ? Tu n’as pas l’air d’aller…
– Pas le temps ! répondit-elle, essayant de se relever à grand-peine, sentant sa tête tourner de plus en plus et sa vision s’obscurcir. Han, nous devons…
Elle ne termina pas sa phrase. Il ne lui restait pourtant plus qu’un mot à prononcer : dégager.